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Le Québec souffre-t-il d'immobilisme?

Les «belles années»

L'un des grands chantiers des années 1960 et 1970 : le Stade olympique.
L'un des grands chantiers des années 1960 et 1970 : le Stade olympique.

À première vue, ces revers et ces difficultés contrastent avec le dynamisme des années 60-70. C'était effectivement l'époque des grands chantiers, et où l'État était le principal moteur du développement. La société était en effervescence dans presque tous les secteurs. La croissance économique était notamment assurée par le développement du réseau routier, la nationalisation de l'électricité, la création de la Société générale de financement puis de la Caisse de dépôt et de placement et l'accomplissement des grands projets hydroélectriques. La construction de centaines d'écoles primaires et secondaires, la mise sur pied du ministère de l'Éducation, l'ouverture des premiers cégeps et la fondation du réseau public des universités du Québec s'inscrivaient dans une vaste réforme des institutions d'enseignement. L'adoption des lois linguistiques, l'élaboration d'un régime de santé universel, ainsi que l'organisation de l'exposition universelle de 1967 et des Jeux olympiques de Montréal ajoutaient également au dynamisme de cette période de notre histoire.

Des éléphants blancs

Alain Cousineau, directeur général de Loto-Québec.
Alain Cousineau, directeur général de Loto-Québec.

Avouons que la comparaison est tentante. Toutefois, les politicologues que nous avons rencontrés se sont fait un devoir de remettre les choses en perspective. Selon eux, il faut cesser d'envisager le passé avec nostalgie. «Il faut arrêter de comparer la situation actuelle avec celle des années 60-70, s'exclame Caroline Patsias, professeure de politique (UdeS). On n'a peut-être pas les grands travaux d'infrastructure, mais on a d'autres types de projets.»

Stéphane Paquin, professeur à l'École de politique appliquée.
Stéphane Paquin, professeur à l'École de politique appliquée.

Son collègue, Stéphane Paquin, renchérit : «À l'époque, les baby-boomers avaient 15 ans, souligne-t-il. En matière d'éducation, par exemple, on a dû construire des écoles, des cégeps, des universités simplement pour répondre à la demande. Aujourd'hui, c'est l'inverse. On assiste à une décroissance de la clientèle scolaire. Les enjeux ne sont pas les mêmes.» Le directeur de l'École de politique appliquée de l'Université de Sherbrooke, Jean-Herman Guay, insiste également sur la nécessité d'une remise en contexte. «Il n'y avait pas de dette, pas de déficit, et la population augmentait, note-t-il. Tout semblait possible. Et on n'avait pas encore vécu les effets pervers d'un État trop interventionniste.»

La Commission Bouchard-Taylor, tenue à l'automne dernier dans l'ensemble du Québec, a été critiquée pour son manque de réflexion profonde.
La Commission Bouchard-Taylor, tenue à l'automne dernier dans l'ensemble du Québec, a été critiquée pour son manque de réflexion profond

Stéphane Paquin estime d'ailleurs que la situation s'est améliorée depuis les années 1960-1970. Il rappelle les controverses suscitées par l'expropriation massive de citoyens en vue de la construction de l'aéroport international de Mirabel, par les coûts reliés à l'organisation des Jeux olympiques et par la nationalisation de l'amiante, entre autres. «Il y a eu plusieurs grands projets mal gérés, dont certains ont été de véritables gouffres financiers, soutient-il. Ces éléphants blancs sont encore très présents dans la mémoire de l'opinion publique.» Il reconnaît ainsi que la population est plus réticente à se lancer dans des dépenses importantes. «Mais c'est certainement mieux que d'avoir des stades olympiques en série!»